CAROL LAVOIE est un artiste multidisciplinaire québécois actif depuis 1971

 

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Plurisculptures 2008
Texte de Marcelle Després

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Textes
– Alain Lestié
– Antoine Blanchette


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Pour Carol

À travers quelques photographies remonter le fil d’une pensée de l’œuvre, polymorphe et singulière dont l’inédit ne se peut se réduire à un discours, médiocre leurre en substitut de l’émotion.
Dedans, dans le cadre de la feuille, l’ascèse de la gravure, le signe dans le geste consubstantiel de sa naissance à sa fin.
Dehors, in natura, la profusion généreuse d’un affrontement avec les matériaux, l’implication absolue physique et mentale dans une dissonance qui ruine toutes ces normes, devenues, par notre engourdissement, lois.
Le mélange d'effacements et de brisures, d’incertitude et d’hésitation quand le péremptoire décide des valeurs, positionne d’emblée vers les chemins de traverses.
Défaire continuellement l’unité, celle de la manière, et de la matière, celle des motifs, celle du point de vue, réfute l’hégémonie d’une loi principielle de l’art, de fondre chaque chose en l’énergie de son geste, pour participer à la glorification du monde.
Ainsi prononcer la déroute de l’unité de l’œuvre tente au contraire de répondre à une condition de l’œuvre, comme champ des contradictions, celles du monde, qui traversent aussi chacun de nous.
Les restes d’un réel perdu, ramassés pour cette évocation du naufrage, témoignent de l’usure du symbolique dévoyé par le souci de reconnaissance, et souligne la nécessité d’une re-fondation.
Transgresser les catégories programmées, y compris celle, très courue, de la transgression, voilà ici l’erreur, pire la faute. Elle a un prix, une douleur, qui en constitue aussi la force, mais laissons là l’histoire intime.
Ni à l’intérieur ni à l’extérieur des systèmes constitués, l’œuvre se produit du danger de n’être pas identifiable selon des repères établis. L’équivoque du déclassement dérive d’un jeu au bord des règles, dehors ou dedans, et s’emploie à contrecarrer les possibilités de sa définition passant du reconnaissable au «connaissable»
L’ être-là des œuvres suffit ou plutôt devrait y suffire, si l’on veut bien y réfléchir un peu: le visible a toujours donné à penser une métaphysique du savoir, et depuis toujours l’art s’efforce de rendre sensible une réflexion morale sur l’état des choses.
Et tous ceux qui risquent une aventure de la pensée, par une imprévision du sens, l’ombre du doute, le déséquilibre de l’improbable, irréductibles à ces doctrines binaires de la médiatisation, peuvent encore entendre l’injonction de Rilke : « nous, infiniment risqués ». À perdre cet objectif fondateur tout se délite en loisirs fantaisistes dans la vulgarité du triomphe de l’animation culturelle instrumentalisée en lieu et place de la culture.
Pourtant, fatigués de la vacuité des procédures de la communication, nous renouerons l’échange d’une expérience individuelle de la pensée ­— il ne suffit pas penser, encore faut-il penser quelque chose, chose qui est ici préservée.
Du fond de ma réserve, lointaine et proche, un signe.

Alain Lestié
Octobre 2007